Spotlighted et des dizaines de mĂ©dias et organisations appellent dans une tribune les ministres de la Justice et de lâIntĂ©rieur Ă respecter la libertĂ© de la presse et renforcer le secret des sources.
Spotlighted et des dizaines de mĂ©dias et organisations appellent dans une tribune les ministres de la Justice et de lâIntĂ©rieur Ă respecter la libertĂ© de la presse et renforcer le secret des sources :
Il y a prĂšs dâun an, 110 mĂ©dias et organisations interpellaient le gouvernement pour rĂ©clamer une rĂ©forme de la loi de 2010 relative Ă la protection du secret des sources des journalistes. Les contours flous de ce texte et lâabsence de vĂ©ritables garde-fous ont facilitĂ© des atteintes Ă la libertĂ© de la presse depuis 15 ans. Pour rappel, au moins 27 journalistes ont Ă©tĂ© convoqué·es ou placé·es en garde Ă vue par la direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure (DGSI), selon un dĂ©compte rĂ©alisĂ© par le journal TĂ©lĂ©rama.
Depuis notre courrier, les intimidations contre la presse nâont pas cessĂ© : elles ont franchi un cran supplĂ©mentaire. Alors que lâĂtat français a Ă©tĂ© condamnĂ© en 2023 pour lâarrestation illĂ©gale dâun journaliste couvrant une action Ă©cologiste, la police a Ă nouveau reçu lâordre dâinterpeller et placer en garde Ă vue, le 1er juillet, le journaliste Enzo Rabouy quinze jours aprĂšs quâil ait couvert une action militante en marge du Salon du Bourget.
Le parquet gĂ©nĂ©ral poursuit Ă©galement son acharnement contre Ariane Lavrilleux, la journaliste de Disclose et membre du groupe de travail sur le secret des sources Ă lâorigine de cet appel. LâAFP nous apprend que le parquet gĂ©nĂ©ral de la cour dâappel de Paris a fait appel de la dĂ©cision de non-lieu rendue par la juge dâinstruction. Alors que la justice a reconnu lâintĂ©rĂȘt public des rĂ©vĂ©lations de Disclose sur lâopĂ©ration militaire secrĂšte de la France au profit de la dictature Ă©gyptienne, la journaliste pourrait ĂȘtre renvoyĂ©e devant un tribunal, plus de deux ans aprĂšs avoir subi une garde Ă vue, une perquisition et des mesures disproportionnĂ©es de surveillance.
Une autre procĂ©dure judiciaire vise le journaliste Philippe Miller, Ă la suite dâune plainte pour vol de donnĂ©es dĂ©posĂ©e par un cabinet dâavocat dont le journaliste avait relatĂ© les pratiques douteuses. Pour contester la saisie de son ordinateur et matĂ©riel professionnel, Philippe Miller a tentĂ© dâopposer le secret des sources. Mais la juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention a validĂ© lâatteinte au secret des sources, en considĂ©rant que la simple existence dâune enquĂȘte pĂ©nale relevait bien dâun âimpĂ©ratif prĂ©pondĂ©rant dâintĂ©rĂȘt publicâ. Si nâimporte quelle enquĂȘte pĂ©nale permet de lever le secret des sources, ce dernier nâexiste plus.
Enfin, les vidĂ©os policiĂšres rĂ©vĂ©lĂ©es par LibĂ©ration et Mediapart dĂ©montrent que les forces de lâordre dĂ©ployĂ©es Ă Sainte-Soline ont multipliĂ© les tirs illĂ©gaux et ont visĂ©, en toute connaissance de cause, des journalistes qualifiĂ©s de « pue-la-pisse ». Lors des manifestations du 10 septembre, Reporters sans frontiĂšres a recensĂ© sept cas de journalistes entravĂ©s physiquement, dont certains blessĂ©s par des Ă©clats de grenade. Le 17 novembre, plusieurs journalistes de Reporterre, Blast et LibĂ©ration ont Ă©tĂ© violentĂ©s par les forces de police et gazĂ©s Ă bout portant alors quâils couvraient une action de dĂ©sobĂ©issance civile menĂ©e par plusieurs ONG sur le site normand du gĂ©ant de lâagrochimie BASF.
Ces attaques inacceptables dans un Ătat de droit sont le rĂ©sultat dâune annĂ©e dâimmobilisme du gouvernement. Quâest devenue la promesse de Rachida Dati, lors des Ătats gĂ©nĂ©raux de lâinformation, dâun projet de loi qui garantit le droit Ă lâinformation ? Ce projet est pour lâheure gardĂ© secret.
Le groupe de travail avait Ă©tĂ© reçu en fĂ©vrier par le cabinet du premier ministre, puis au dĂ©but de lâĂ©tĂ© par le ministĂšre de la justice afin de discuter de nos propositions et de remettre une note dâanalyse dĂ©taillĂ©e sur leur application concrĂšte.
Pour rappel, nous voulons :
Mieux encadrer les conditions de la levĂ©e du secret des sources, qui est aujourdâhui possible dans le cas, mal dĂ©fini, dâun « impĂ©ratif prĂ©pondĂ©rant dâintĂ©rĂȘt public »
Exiger une autorisation par un·e juge indépendant·e avant toute levée du secret des sources
Ătendre le secret des sources aux collaborateur·ices de mĂ©dias, rĂ©alisateur·ices et auteur·ices de livres ou documentaires
Permettre à tou·tes les journalistes de se défendre face à une violation du secret de leurs sources, en créant une voie de recours
Renforcer les voies de recours et sanctions en cas de violation du secret des sources
La protection des sources nâest pas une coquetterie corporatiste. Elle est âla pierre angulaire de la libertĂ© de la presseâ, la condition indispensable dâun droit effectif Ă lâinformation de toute la population. Il est donc urgent que le projet de loi donne lieu Ă un dĂ©bat public, ouvert et parlementaire le plus rapidement possible.
Par cet appel auquel se joignent 131 mĂ©dias, sociĂ©tĂ©s de journalistes, syndicats et organisations, nous rĂ©clamons Ă©galement aux ministres de la justice et de lâintĂ©rieur quâils formulent, dĂšs Ă prĂ©sent, des instructions Ă©crites aux fonctionnaires afin de faire respecter la libertĂ© de la presse telle quâencadrĂ©e par la loi de 1881, ainsi que par la jurisprudence des tribunaux français et celle de la Cour europĂ©enne des droits de lâHomme.
SignĂ© le groupe de travail sur la protection des sources Ă lâorigine de cet appel : Sherpa, Fonds pour une presse libre, Reporters Sans FrontiĂšres, Association de la presse judiciaire, Disclose, SNJ et CFDT-Journalistes.
Voir les 131 premiers signataires de lâappel (dont le groupe de travail)