đŸ‘źâ€â™‚ïž Spotlighted interpelle GĂ©rald Darmanin et Laurent Nuñez

Spotlighted et des dizaines de mĂ©dias et organisations appellent dans une tribune les ministres de la Justice et de l’IntĂ©rieur Ă  respecter la libertĂ© de la presse et renforcer le secret des sources.

Spotlighted
3 min ⋅ 18/12/2025

Salut,

Spotlighted et des dizaines de mĂ©dias et organisations appellent dans une tribune les ministres de la Justice et de l’IntĂ©rieur Ă  respecter la libertĂ© de la presse et renforcer le secret des sources :

Il y a prĂšs d’un an, 110 mĂ©dias et organisations interpellaient le gouvernement pour rĂ©clamer une rĂ©forme de la loi de 2010 relative Ă  la protection du secret des sources des journalistes. Les contours flous de ce texte et l’absence de vĂ©ritables garde-fous ont facilitĂ© des atteintes Ă  la libertĂ© de la presse depuis 15 ans. Pour rappel, au moins 27 journalistes ont Ă©tĂ© convoqué·es ou placé·es en garde Ă  vue par la direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure (DGSI), selon un dĂ©compte rĂ©alisĂ© par le journal TĂ©lĂ©rama.

Depuis notre courrier, les intimidations contre la presse n’ont pas cessĂ© : elles ont franchi un cran supplĂ©mentaire. Alors que l’État français a Ă©tĂ© condamnĂ© en 2023 pour l’arrestation illĂ©gale d’un journaliste couvrant une action Ă©cologiste, la police a Ă  nouveau reçu l’ordre d’interpeller et placer en garde Ă  vue, le 1er juillet, le journaliste Enzo Rabouy quinze jours aprĂšs qu’il ait couvert une action militante en marge du Salon du Bourget.

Le parquet gĂ©nĂ©ral poursuit Ă©galement son acharnement contre Ariane Lavrilleux, la journaliste de Disclose et membre du groupe de travail sur le secret des sources Ă  l’origine de cet appel. L’AFP nous apprend que le parquet gĂ©nĂ©ral de la cour d’appel de Paris a fait appel de la dĂ©cision de non-lieu rendue par la juge d’instruction. Alors que la justice a reconnu l’intĂ©rĂȘt public des rĂ©vĂ©lations de Disclose sur l’opĂ©ration militaire secrĂšte de la France au profit de la dictature Ă©gyptienne, la journaliste pourrait ĂȘtre renvoyĂ©e devant un tribunal, plus de deux ans aprĂšs avoir subi une garde Ă  vue, une perquisition et des mesures disproportionnĂ©es de surveillance.

Une autre procĂ©dure judiciaire vise le journaliste Philippe Miller, Ă  la suite d’une plainte pour vol de donnĂ©es dĂ©posĂ©e par un cabinet d’avocat dont le journaliste avait relatĂ© les pratiques douteuses. Pour contester la saisie de son ordinateur et matĂ©riel professionnel, Philippe Miller a tentĂ© d’opposer le secret des sources. Mais la juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention a validĂ© l’atteinte au secret des sources, en considĂ©rant que la simple existence d’une enquĂȘte pĂ©nale relevait bien d’un “impĂ©ratif prĂ©pondĂ©rant d’intĂ©rĂȘt public”. Si n’importe quelle enquĂȘte pĂ©nale permet de lever le secret des sources, ce dernier n’existe plus.

Enfin, les vidĂ©os policiĂšres rĂ©vĂ©lĂ©es par LibĂ©ration et Mediapart dĂ©montrent que les forces de l’ordre dĂ©ployĂ©es Ă  Sainte-Soline ont multipliĂ© les tirs illĂ©gaux et ont visĂ©, en toute connaissance de cause, des journalistes qualifiĂ©s de « pue-la-pisse ». Lors des manifestations du 10 septembre, Reporters sans frontiĂšres a recensĂ© sept cas de journalistes entravĂ©s physiquement, dont certains blessĂ©s par des Ă©clats de grenade. Le 17 novembre, plusieurs journalistes de Reporterre, Blast et LibĂ©ration ont Ă©tĂ© violentĂ©s par les forces de police et gazĂ©s Ă  bout portant alors qu’ils couvraient une action de dĂ©sobĂ©issance civile menĂ©e par plusieurs ONG sur le site normand du gĂ©ant de l’agrochimie BASF.

Ces attaques inacceptables dans un État de droit sont le rĂ©sultat d’une annĂ©e d’immobilisme du gouvernement. Qu’est devenue la promesse de Rachida Dati, lors des États gĂ©nĂ©raux de l’information, d’un projet de loi qui garantit le droit Ă  l’information ? Ce projet est pour l’heure gardĂ© secret.

Le groupe de travail avait Ă©tĂ© reçu en fĂ©vrier par le cabinet du premier ministre, puis au dĂ©but de l’étĂ© par le ministĂšre de la justice afin de discuter de nos propositions et de remettre une note d’analyse dĂ©taillĂ©e sur leur application concrĂšte.

Pour rappel, nous voulons :

  • Mieux encadrer les conditions de la levĂ©e du secret des sources, qui est aujourd’hui possible dans le cas, mal dĂ©fini, d’un « impĂ©ratif prĂ©pondĂ©rant d’intĂ©rĂȘt public »

  • Exiger une autorisation par un·e juge indĂ©pendant·e avant toute levĂ©e du secret des sources

  • Étendre le secret des sources aux collaborateur·ices de mĂ©dias, rĂ©alisateur·ices et auteur·ices de livres ou documentaires

  • Permettre Ă  tou·tes les journalistes de se dĂ©fendre face Ă  une violation du secret de leurs sources, en crĂ©ant une voie de recours

  • Renforcer les voies de recours et sanctions en cas de violation du secret des sources

La protection des sources n’est pas une coquetterie corporatiste. Elle est “la pierre angulaire de la libertĂ© de la presse”, la condition indispensable d’un droit effectif Ă  l’information de toute la population. Il est donc urgent que le projet de loi donne lieu Ă  un dĂ©bat public, ouvert et parlementaire le plus rapidement possible.

Par cet appel auquel se joignent 131 mĂ©dias, sociĂ©tĂ©s de journalistes, syndicats et organisations, nous rĂ©clamons Ă©galement aux ministres de la justice et de l’intĂ©rieur qu’ils formulent, dĂšs Ă  prĂ©sent, des instructions Ă©crites aux fonctionnaires afin de faire respecter la libertĂ© de la presse telle qu’encadrĂ©e par la loi de 1881, ainsi que par la jurisprudence des tribunaux français et celle de la Cour europĂ©enne des droits de l’Homme.

SignĂ© le groupe de travail sur la protection des sources Ă  l’origine de cet appel : Sherpa, Fonds pour une presse libre, Reporters Sans FrontiĂšres, Association de la presse judiciaire, Disclose, SNJ et CFDT-Journalistes.

Voir les 131 premiers signataires de l’appel (dont le groupe de travail)

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Par Calvin LeclĂšre

Calvin LeclĂšre est journaliste et directeur de la publication de Spotlighted. DiplĂŽmĂ© de l'École de journalisme de Grenoble (Sciences Po Grenoble - UGA), il a collaborĂ© avec Le DauphinĂ© LibĂ©rĂ©, La Savoie, L'AFP, et la presse spĂ©cialisĂ©e comme Montagnes Magazine et Alpine Mag. Également photojournaliste, il est un ancien membre de l’agence photo Hans Lucas. Il est membre actif de l’association Un Bout des MĂ©dias et de l'Observatoire français des atteintes Ă  la libertĂ© de la presse (OFALP).